À l’issue d’un conseil national très attendu, le Parti socialiste a refusé de se rallier à la proposition formulée par les communistes. Voyant dans l’élue réunionnaise un avatar de Jean-Luc Mélenchon, les socialistes peuvent s’appuyer sur les écologistes, finalement « dubitatifs ».
Huguette Bello n’est pas encore la candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon, et cela n’en prenait plus le chemin samedi soir. À l’issue d’un conseil national convoqué en visioconférence en fin d’après-midi, les dirigeants du Parti socialiste (PS) ont choisi de ne pas se prononcer, pour l’heure, sur le profil de la présidente du conseil régional de La Réunion, suggéré par les communistes. « Il faut continuer à cheminer », évacuait un proche d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS, qui doit prendre la parole dimanche sur BFMTV.
La pression était forte, pourtant, sur les épaules des socialistes. Vendredi après-midi, la révélation par L’Humanité de la présence d’Huguette Bello parmi les pistes pour Matignon avait donné un coup d’accélérateur inattendu à des discussions enlisées. Après Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF), c’est le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, qui s’y était rallié dans la soirée. « Trois formations au moins se sont mises d’accord sur le sujet », a-t-il assuré dans la soirée, appelant le PS à rallier une proposition qui « ferait honneur » à la gauche plutôt que de s’en tenir à la mise en avant de son premier secrétaire
Sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, les interpellations se sont faites plus directes encore. « Cher Olivier Faure, tu dois comprendre que ton ambition personnelle ne peut bloquer un pays », a par exemple écrit Antoine Léaument, député LFI de l’Essonne, sur X.
Une pétition soutenue par les autrices Annie Ernaux et Pénélope Bagieu, les actrices Corinne Masiero ou Anna Mouglalis, la journaliste Giulia Foïs ou encore l’historienne Mathilde Larrère, appelle aussi à défendre la candidature Bello : « C’est l’heure pour la France d’avoir comme première ministre une femme, métisse, de l’océan Indien, qui s’est engagée pour les humbles, les dominé·es, les femmes, les victimes des inégalités économiques et du racisme. »
Samedi, quelques militants se sont réunis devant le siège du PS à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), sur lequel ils ont collé des affiches réclamant « Bello à Matignon » et exhortant à l’attention du premier secrétaire : « Déconne pas Olivier ». Un « saccage » et des « actes d’intimidation », selon Luc Broussy, secrétaire national du PS, qui a demandé à Huguette Bello de « condamner [ces] méthodes de voyous ».
D’abord prévu à 11 heures, puis repoussé à 17 heures, le conseil national du PS a donné à voir une unité devenue rare au sein du parti autour d’une position : le refus de se rallier à la proposition des partenaires du Nouveau Front populaire (NFP). « Trop radicale », « Bello, c’est LFI », « un signal d’extrême gauche » : les mots ont varié mais le tir de barrage était partagé à la quasi-unanimité des responsables du PS ayant pris la parole en visioconférence, selon plusieurs participant·es contacté·es par Mediapart.
Sur le fond, les socialistes oscillent entre deux arguments pour écarter la candidature de la présidente du conseil régional réunionnais. D’une part, un argument de fond : la ligne qu’elle porte serait trop loin du barycentre de la gauche et du PS. Ces jours-ci, des militant·es et des responsables socialistes exhument certaines positions passées d’Huguette Bello, comme son opposition en 2004 à la loi sur les signes religieux à l’école. D’autre part, un argument stratégique. Nommer un socialiste, ont martelé plusieurs participant·es, ce serait la seule solution pour éviter d’être renversé par l’Assemblée nationale et construire des majorités, demain, avec une partie des macronistes.
« Si on est seuls contre trois, on va devoir céder »
Mais comment éviter d’apparaître comme la composante qui empêche un accord réclamé à cor et à cri par la société civile et l’électorat de gauche ? La crainte de bloquer le processus unitaire a semblé, au début des échanges, de nature à faire plier le PS. « Si on est seuls contre trois, on va devoir céder », a expliqué Olivier Faure en ouverture des discussions. Une de ses proches, la porte-parole du parti Dieynaba Diop, a également incité ses camarades à « ne pas apparaître comme ceux qui fragilisent l’union » et à « ne pas s’abîmer dans un bras de fer ». « Sur le terrain, les gens sont impatients, a plaidé en substance la nouvelle députée des Yvelines. Il faut être à la hauteur du moment. »
À l’inverse, les deux autres courants du PS, plus proches de François Hollande et de Raphaël Glucksmann que du premier secrétaire actuel, ont appelé la direction du parti à tenir sur sa fermeté. « Il faut prendre en compte le front républicain » du second tour, ont par exemple lancé David Assouline et Philippe Doucet, représentants des deux motions minoritaires, affirmant leur souhait d’une « candidature centrale » qui puisse ouvrir les bras au camp présidentiel.
Pour régler la question de la méthode, le consensus s’esquissant sur le refus de la solution Bello, les socialistes se sont raccrochés aux branches écologistes. « Il faut un candidat commun » entre le PS et Les Écologistes, a expliqué Olivier Faure à son conseil national. Autrement dit, si les Verts n’affichaient pas de soutien à la Réunionnaise, cela donnerait une échappatoire aux socialistes pour assumer leurs réticences. « Les écolos peuvent être un partenaire, a expliqué Johanna Rolland, maire de Nantes (Loire-Atlantique) et numéro 2 du parti. Il y a des compromis à aller chercher chez eux. »